He Yifu, D’encres, d’eau et de montagne
D’encres, d’eau et de montagne
Du 26 juin 2025 au 24 mai 2026
Entrée d’un peintre chinois dans les collections du musée
« Dans la montagne, je n’éprouve qu’aise et réconfort. Le savoir délaissé, le moi oublié, je me fonds en cette nature en pleine mutation » He Yifu
He Yifu (1952-2008) est un peintre-calligraphe formé à la tradition picturale chinoise à Kunming et Pékin. Curieux de l’Occident et de son art, il s’installe à Paris puis à Rennes dans les années quatre-vingt-dix. Attiré par les paysages de montagne, il découvre les Alpes qu’il parcourt et peint entre 2005 et 2007. De Nice à Chamonix, notre massif alpin entre en résonnance avec les montagnes du Yunnan, la peinture et la pensée traditionnelles chinoises qui lui sont chères. Sous le pinceau de l’artiste, les Alpes deviennent le creuset d’un subtil métissage entre Orient et Occident.
He Yifu laisse derrière lui une œuvre multiple dont une riche production de peintures qui célèbrent les paysages alpins français. Quarante-et-une de ses œuvres intègrent les collections du musée en 2025 grâce à un don de Chen Liping, veuve de l’artiste et de son fils He Keren, par l’entremise du Musée des Beaux-Arts de Rennes et l’Association Encres de Chine. Elles rejoignent la collection dédiée à la montagne dans l’art.
À travers son œuvre alpine, He Yifu s’inscrit pleinement dans la tradition picturale chinoise où la présence de la montagne tient une place essentielle. Malgré les apparences, la symbolique de la montagne est bien différente dans la cosmologie chinoise et dans la culture occidentale. En Asie, elle est un lieu sacré et esthétique, propice à la méditation et à la contemplation plutôt qu’à l’exploit physique héroïque. Dans la peinture, la montagne est une des deux entités inséparables de la peinture de paysage, « Shan Shui Hua », soit littéralement « peinture de montagne et d’eau ». Plutôt que s’opposer, ces deux éléments s’unissent sous le pinceau de l’artiste pour former un univers vivant dont il révèle l’énergie vitale.
He Yifu peint à l’encre de Chine sur papier de riz, support privilégié de la peinture et de l’écriture chinoises depuis 2000 ans. Selon le calligraphe et poète François Cheng, ce matériau revêt une puissante dimension symbolique : il est un espace vital, un microcosme où se (re)jouent les forces de l’univers rendues visibles par l’artiste. Sur cette surface fine et fragile, He Yifu joue avec les couleurs, les formes et le vide, potentiel de toute chose.
He Yifu peint de mémoire et d’après nature, mêlant les principes de la tradition chinoise à ceux de la peinture de paysage européenne. Il voyage, observe les lieux, la topographie et les formes du monde. De retour dans son atelier rennais, il compose ses œuvres en s’appuyant sur d’innombrables croquis et, surtout, en puisant dans son intériorité. Il en résulte une peinture virtuose et organique qui restitue la puissance de vie des paysages autant que les états d’âme de l’artiste.
Des Alpes-Maritimes à la Haute-Savoie, en passant par les Hautes-Alpes, les cols, sommets, torrents, alpages et villages nous semblent tour à tour familiers et étranges, prenant sous son pinceau une dimension spirituelle, profondément poétique. L’œuvre de He Yifu nous invite à décentrer le regard et à apprécier ces montagnes selon d’autres critères esthétiques et moraux. Loin de l’imaginaire ascensionniste, ces tableaux inspirent une conquête toute autre de la montagne par le regard, les sens et l’esprit.